Les fées invisibles
Rendons hommage à ces héroïnes du quotidien qui jonglent entre mille tâches. Ces fées de l’invisible dont nous ne soupçonnons pas l’impact parfois.
Si je vous dis : les fées invisibles ? Vous pensez à quoi ? A qui ? En fait, ce sont ces héroïnes du quotidien qui jonglent avec mille responsabilités. Elles nettoient, organisent, soutiennent, assurent, et assument. Et pourtant, tout ce qu’elles font reste souvent dans l’ombre. Malgré tout, leur travail semble si « normal » qu’il passe inaperçu. Jusqu’à ce qu’elles s’asseyent cinq minutes. Là, comme par magie, une remarque fuse : « Mais qu’est-ce que tu as fait de ta journée ? Tu es toujours dans ton fauteuil quand je rentre ! ».
La réponse ? Tout, et pourtant jamais assez visiblement. Alors, on remplit son sac à merdasse, goulée après goulée. Et on enfile son armure d’Iron Woman, blindée jusqu’à la mâchoire, s’infligeant encore et encore ces fameuses cinq blessures à l’envi.
Un travail essentiel, mais invisibilisé
Dans chaque foyer, il y a une to-do list interminable. Linge, ménage, repas, devoirs, courses, paperasse. Mais comme tout est fait « comme par magie », personne ne voit l’énergie déployée. Les lessives tournent, les sols brillent, les repas mijotent. Les plantes sont arrosées, la caisse du chat nettoyée. Invisible, efficace mais présent.
Et si, à bout de souffle, elles prennent cinq minutes pour se poser, elles entendent : « Encore assise avec tes mots fléchés ?! ». Le pire, c’est que cette invisibilité s’étend aussi aux amis et collègues. Combien de fois entend-on : « Oh, mais tu es douée pour ça, ça te prend cinq minutes ! ». Mais non, ça ne prend pas cinq minutes. C’est du temps, de l’énergie, et une charge mentale constante.
Même au travail, cette efficacité devient un piège. La pile de courriers à taper atterrit subrepticement sur votre bureau, parce qu’on sait que vous le ferez vite et bien. Certes un geste de reconnaissance ? Oui, mais au prix d’une nouvelle couche ajoutée à votre to-do list. Et qui parfois attise la jalousie des collègues qui n’ont pas eu cette « faveur ».
Dans certaines familles, il y a aussi ce décalage flagrant. Chez les autres, tout est millimétré, genre maison témoin. Les sols brillent, la nappe décorative revient sur la table dès le dernier verre vidé. Tout est en ordre, rien ne dépasse. Mais chez vous ? On s’en fiche. La maison du « bonheur », simple, pratique ou tout est permis. On vous envahit sans complexe. « Chez toi, c’est cool, pas de prise de tête ! ». Alors que vous venez juste de finir de nettoyer pour recevoir dans de bonnes conditions. De ranger ce qui déborde un peu pour laisser de la place. L’agacement pointe, la résignation aussi et vous ravalez votre amertume. « Serre les dents ma fille, c’est qu’un mauvais moment à passer. ». Demain est un autre jour et ça n’est que du ménage !! Pas la fin du monde non plus !!
La génération « marche ou crève » : pas le choix
Les femmes de la génération « marche ou crève » n’avaient pas d’options. Un salaire ne suffisait plus pour faire vivre une famille. Alors elles ont travaillé, et puis c’est pour leur épanouissement aussi hein, faut le reconnaitre. Pour leur autonomie également, tout pareil. Et donc hop au taf, tout en gérant la maison, les enfants, les corvées, les trajets, le poisson rouge. La journée commence à 6 heures et finit tard, 23h, une fois les enfants couchés et la vaisselle terminée. Pas de pause, pas d’excuse.
Se réveiller en pleine nuit en se souvenant que le petit dernier a pique-nique demain ? Qu’on profitera d’emmener le second chez l’orthodontiste pour prendre telle chose à tel endroit. Du presque normal. Et si elles s’arrêtaient ? La culpabilité prenait immédiatement le relais : « Si je ne fais pas, qui le fera ? ». Ce poids, elles le portent encore aujourd’hui. Même à la retraite, certaines continuent, car elles n’ont jamais appris à s’arrêter et se prioriser.
La pression de la perfection : un piège sans fin
Dans notre société, les femmes doivent tout faire et tout réussir. Elles doivent exceller dans tous leurs rôles : mère, conjointe, collègue, amie, fille, belle-fille. Mais qui peut être parfaite ? Personne. Pourtant, chaque matin, elles se lèvent avec leur cape de super-woman sur le dos. Toujours prêtes à intervenir, même dans leur sommeil. On ne sait jamais. Comme les scouts : toujours prête.
Les réseaux sociaux amplifient cette pression. On y voit des maisons impeccables, des repas équilibrés, des enfants souriants. Un monde idéal de paraître. Mais derrière l’écran, la réalité est toute autre : un jogging troué qui a bien 20 ans, le cheveu hirsute, les cernes sous les yeux devant une tasse de café froid à moitié vide. Et ce : « Oui oui, j’arrive… » lancé d’une voix épuisée en entendant le sempiternel « Maaamaannnnn ! ». Cette quête de perfection est un mirage. Et à force de vouloir tout bien faire, elles s’oublient.
Tellement ancrées dans le « sacrifice », elles ne prennent pas conscience qu’elles s’envasent. Que strate après strate, elles s’enfoncent dans leur boue intérieure, remplissant sans relâche leur sac à merdasse. Et ce contraste est parfois brutal. Il y a ces maisons où l’on doit enlever ses chaussures dans le garage. Les enfants apportent même leurs pantoufles pour ne rien salir lors d’un anniversaire. Et puis il y a la vôtre : l’endroit où les enfants se roulent dans la boue, avec des habits « tout moches » que vous fournissez pour éviter les drames. Et hop, une lessive de plus, pour que les chérubins invités ne se fassent pas disputés en salissant leurs propres habits. Chez vous, on peut sauter, courir, et rire. La maison est vivante, un joyeux désordre. Et même si vous aimez cette liberté, parfois, vous vous demandez : « Et moi, quand est-ce que je peux souffler ? ».
Quand aider les autres devient un chemin solitaire
Certaines fées invisibles jonglent en plus avec des enfants différents, « intenses », comme on dit au Québec. Elles organisent des rendez-vous chez les médecins, les psys, avec les enseignants, gèrent des plannings interminables. Et elles doivent encore entendre des remarques du genre : « Peut-être que si tu t’y prenais autrement, ça irait mieux ? » ou « Mais qu’il est mal élevé ce gosse ! ». Comme si elles n’essayaient pas déjà tout ce qui est possible.
Des mères courages en lutte permanente. Que l’on devrait admirer, mais qui se dévalorisent tellement elles entendent qu’elles ne sont pas assez.
Mais elles ne s’arrêtent pas là. Elles soutiennent les copines, tendent la main dès qu’on leur demande. Bonjour la « sauveuse » avec sa pancarte levée bien haut pour les Calimero en puissance. Mais quand elles ont besoin d’aide ? Souvent, elles entendent : « J’aimerais t’aider comme tu le fais avec moi, mais je ne sais pas faire. ». Traduction : « Débrouille-toi toute seule. ».
Et puis, il y a Marcel qui rentre, s’effondre dans le canapé en soupirant : Pfiou, grosse journée ! Je prendrais bien une bière… ou qu’est-ce qu’on mange ? » (💡 Message subliminal : il est bien trop fatigué pour se lever, il a eu une grosse journée lui hein, c’est sûr).’
Pendant que toi, tu en es à ta deuxième journée en une, et tu continues de jongler entre le repas à finir, la lessive à plier, les devoirs des gosses et la copine « au bout de sa vie » à réconforter au téléphone. Mais bon, hein, toi, t’es une fée après tout… donc tu gères !Alors elles serrent les dents, carrent les épaules, ravalent leurs larmes, mettent leur cape, et continuent. Parce que, sans elles, tout s’effondrerait.
Pas le choix, on leur a seriné et elles l’ont bien retenu. Parce qu’elles sont fortes, on leur a dit aussi et on leur répète. Et puis aussi parce que la vie, c’est pas facile hein, ça se saurait si c’était un long fleuve tranquille. D’ailleurs, dans le film du même nom, on voit bien qu’une organisation au top peut basculer rapidement.
Mais sont-elles prêtes à lâcher ?
Pour certaines, ce rôle de fée invisible est devenu un refuge. Elles s’y accrochent pour ne pas affronter le vide en elles. Une tornade blanche du devoir qui masque parfois un mal être plus profond. Comme cette copine dont les filles ont arrêté de l’aider, lassées de voir leurs efforts critiqués. Car elles n’avaient pas fait comme elle. Mais elles ne sont pas elle. Pourtant, l’intention compte plus que le résultat.
Et puis, il y a ces anecdotes révélatrices. Quand mon mari faisait le ménage, il m’annonçait : « J’ai fait le ménage. ». Pour recevoir un compliment immédiat teinté de béatitude « merci mon chéri ». Pourtant, je faisais la même chose toutes les semaines et ça ne générait aucun compliment. On marchait sans souci de salir sur les sols tout propres. Si je râlais, la réponse était simple : « Ben c’est pas grave, c’est juste de la sauce ou de la boue! ». Tu vas pas nous en ch…. une pendule.
Et si on leur disait merci ?
Ces femmes ne demandent pas la lune. Elles veulent simplement être vues. Un « merci », une reconnaissance, du respect pour ce qu’elles font, ont fait, ça peut tout changer. Savoir qu’on apprécie leurs efforts, qu’on voit leur engagement, c’est déjà énorme. Et elles méritent aussi de poser leur cape, de souffler un instant, sans culpabilité.
Peut-être que leur graine de lotus pourra enfin germer. Parce que non, elles ne sont pas parfaites. Et c’est tant mieux. Leur humanité, leur force, leur résilience, c’est ça qui compte.
Conclusion : Et vous, connaissez-vous une fée de l’invisible ?
Prenez un instant pour reconnaître son travail… votre travail.
Rappelez-vous : ce que vous faites est précieux, même si ce n’est pas toujours visible. Et si ce merci, ce n’était pas seulement celui des autres ?
Et si c’était aussi vous qui preniez le temps de vous remercier ?
Reconnaître tout ce que vous portez, tout ce que vous assumez, c’est un premier pas. Posez cette cape un instant. Regardez tout ce que vous avez accompli, sans vous juger, sans vous comparer. Oui, c’est du boulot. Oui, c’est énorme. Et oui, vous méritez une pause, un souffle, un peu de douceur. Prenez soin de vous.
Alors, aujourd’hui, si personne ne vous le dit, laissez-moi vous le rappeler :
MERCI. Vous êtes précieuse, vous êtes forte, et vous êtes humaine.
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